RAPPORT EXPLICATIF
SUR LA RECOMMANDATION ADOPTÉE PAR LA QUATORZIEME SESSION
ÉTABLI PAR M. GUSTAF MÖLLER

 

INTRODUCTION | OBJET GENERAL DE LA RECOMMANDATION | CONTENU DE LA RECOMMANDATION

 

Introduction

1 La Recommandation qui fait l'objet du présent Rapport peut être considérée comme le fruit d'une collaboration entre deux organisations internationales, le Conseil de l'Europel et la Conférence de La Haye de droit international privé2.

2 Ce fut, en fait, au sein du Conseil de l'Europe3 que prit naissance l'idée d'une note d'information destinée à accompagner tous les actes juridiques en matière civile et commerciale transmis, signifiés ou notifiés à l'étranger. On pensait que cette note aiderait la personne (ou l'organisme) à laquelle l'acte était destiné, tout d'abord à connaître la nature juridique du document, ensuite à en comprendre la teneur et, troisièmement, à savoir quelle action elle pourrait, le cas échéant, entreprendre à son sujet, ou quelles seraient les conséquences pour elle si elle ne faisait rien.

3 Cependant, le Comité d'experts du Conseil de l'Europe se rendit compte que, dans une mesure plus limitée, une note de ce genre existait déjà au sujet de la transmission des actes juridiques par les Autorités centrales, dans le système créé par la Convention de La Haye du 15 novembre 1965 relative à la signification et la notification à l'étranger des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale, que nous appellerons ci-après la "Convention sur la notification à l'étranger".

C'est la raison pour laquelle le Conseil de l'Europe décida de soumettre la question à la Conférence de La Haye, ce qui fut fait par une lettre du Secrétaire général du Conseil de l'Europe en date du 13 octobre 1979, à laquelle était joint un Rapport détaillé. Et, comme les Etats membres de la Conférence de La Haye et les Etats parties à la Convention sur la signification à l'étranger couvrent géographiquement une étendue plus vaste, on pouvait espérer que l'emploi de cette note d'information serait plus fréquent et son efficacité plus grande.

4 Une Commission spéciale de la Conférence de La Haye a siégé du 14 au 18 avril 1980, pour étudier la proposition du Conseil de l'Europe. Elle adopta un Projet de Recommandation à l'intention de la Quatorzième session de la Conférence de La Haye. Le soussigné rédigea un Rapport sur la réunion tenue par la Commission spéciale (Document préliminaire No 8 à l'intention de la Quatorzième session). Le 20 octobre 1980, après une dernière séance, la Quatorzième session de la Conférence de La Haye établit le texte définitif d'une "Recommandation sur les informations destinées à accompagner les documents judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale transmis, signifiés ou notifiés à l'étranger". Cette Recommandation a été rédigée par la Commission II, dont M. Christof Böhmer, de la République fédérale d'Allemagne, était le Président et M. Johannes Bangert, du Danemark, le Vice-Président. Le soussigné en était le Rapporteur. Le texte préparé par la Commission fut adopté, avec une légère amélioration de la version française, au cours de la Session plénière du 24 octobre 1980. Le 25 octobre 1980, les délégués signèrent l'Acte final de la Quatorzième session qui contient la Recommandation.

5 Le premier objet du présent Rapport est de décrire brièvement les travaux préparatoires et les discussions finales qui aboutirent à l'adoption de la Recommandation. Cependant, le lecteur qui désirerait faire une étude plus approfondie de ces textes devra se référer au Rapport sur la réunion de la Commission spéciale (mentionné supra) ainsi qu'aux procès-verbaux et aux textes qui seront publiés dans les Actes et documents de la Quatorzième session de la Conférence de La Haye de droit international privé.

6 Ce présent Rapport offre, au surplus, quelques rapides commentaires sur la Recommandation. Pour aider les personnes et les autorités qui seraient amenées à remplir la formule modèle, il fut décidé que le Rapporteur fournirait aussi quelques exemples et avancerait certaines instructions. On trouvera ces instructions ci-dessus après le texte de la Recommandation.
Ces commentaires et ces instructions reflètent les opinions les plus souvent exprimées au cours de la Conférence; en outre le Rapporteur eut l'occasion d'avoir des entretiens très utiles sur ces questions avec M. J.H.A. van Loon, Secrétaire au Bureau Permanent de la Conférence. Le Rapporteur entend cependant assumer l'entière responsabilité des idées exprimées dans le présent Rapport.

Objet général de la Recommandation

7 Le nombre d'actes judiciaires ou extrajudiciaires en matière civile ou commerciale transmis, signifiés ou notifiés à l'étranger, s'est considérablement élevé et il semble en accroissement constant. La notification à l'étranger de ces actes est prévue par la Convention de La Haye de 1954 sur la procédure civile et la Convention de 1965 sur la notification à l l'étranger4. De plus, un vaste réseau de traités bilatéraux porte, d'une façon ou d'une autre, sur la transmission des actes, que ce soit par l'intermédiaire des autorités judiciaires ou administratives, par les voies consulaires ou diplomatiques, ou directement à leur destinataire.

8 Quand la notification doit être effectuée par une autorité centrale, le destinataire doit, en règle générale, être informé qu'il s'agit d'un acte juridique au sujet duquel il lui appartient d'entreprendre une action. C'est pourquoi, nous l'avons dit plus haut, la Convention sur la notification à l'étranger contient le modèle d'une note d'information qui doit être remise au destinataire d'un acte transmis à l'étranger lorsque la signification ou la notification est effectuée dans le cadre de cette Convention, par l'intermédiaire des Autorités centrales créées en vertu de la Convention. Mais la plupart des conventions, qu'elles soient multilatérales ou bilatérales, qui portent sur la signification à l'étranger d'actes en matière civile ou commerciale, permettent la notification de ces actes par d'autres voies. Un procédé fréquemment utilisé est la transmission par les soins du service postal.

9 Quand la notification est effectuée par l'intermédiaire d'une autorité centrale ou judiciaire, l'Etat dans lequel la notification doit être faite peut exiger que l'acte soit traduit quand il n'est pas rédigé dans la langue de cet Etat. Il pourra donc être difficile d'imposer efficacement l'observation de cette condition quand la transmission est faite par voie postale.

10 Quand la transmission n'est pas effectuée par l'intermédiaire d'une autorité centrale, le problème qui se pose au destinataire est de comprendre la nature de l'acte qu'il reçoit et de savoir ce qui est exigé de lui: il lui appartient alors de consulter un avocat ou un conseiller juridique, ou encore d'entreprendre lui-même une action.

11 Pour les raisons exposées plus haut, la Quatorzième session s'est rangée à l'opinion du Conseil de l'Europe qui jugeait extrêmement souhaitable que tout acte juridique concernant une matière civile ou commerciale, transmis, signifié ou notifié à l'étranger, soit accompagné d'une note contenant des informations destinées à aider le destinataire à comprendre la nature et l'objet de ce document.

Contenu de la Recommandation

12 Nous l'avons déjà dit, la Convention sur la notification à l'étranger5 contient une note d'information ("Eléments essentiels de l'acte") qui doit être remise au destinataire d'un acte transmis, dans le cadre de cette Convention, par l'intermédiaire des Autorités centrales (voir aussi les articles 2 à 6 de la Convention et en particulier le dernier paragraphe de l'article 5). La Quatorzième session constata le progrès qu'a constitué tant en matière juridique que sur le plan de l'information des justiciables, l'établissement de cette formule modèle, et elle reconnut qu'il était hautement souhaitable qu'une telle formèle modèle susceptible d'être complétée, accompagne tout acte de nature judiciaire ou extrajudiciaire transmis ou notifié à l'étranger, pour donner au destinataire de l'acte un premier aperçu de la nature et de l'objet de celui-ci.

13 D'autre part, la question s'était posée de savoir si l'emploi de la formule modèle recommandée devait être étendu à d'autres matières que les matières civile et commerciale, notamment en matière administrative, sociale ou pénale. Une proposition en ce sens fut cependant rejetée. La raison principale de ce rejet fut la crainte d'une application trop étendue de la Recommandation si elle n'était pas limitée aux seules matières civile et commerciale. En particulier, si la Recommandation était applicable en matière administrative, sociale et fiscale, elle viserait un nombre très élevé d'actes extrajudiciaires.

Par ailleurs, il fut suggéré de compléter les paragraphes I (1) et II (1) de la Recommandation par une disposition qui interdirait de notifier des actes à certains ressortissants dans un Etat étranger en ajoutant les mots suivants: "sauf si l'acte doit être notifié, à un ressortissant de l'Etat d'origine de l'acte, par les voies diplomatiques ou consulaires". Mais cette proposition fut retirée, quand on se rendit compte qu'il ne serait pas nécessaire d'appliquer la Recommandation en pareils cas.

14 Il fut convenu, à l'unanimité, que dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, une seule formule soit utilisée, que la transmission de l'acte intervienne ou non par l'intermédiaire des Autorités centrales instaurées par la Convention sur la notification à l'étranger.

15 Comme toute modification de la formule "Eléments essentiels de l'acte" impliquerait une revision de la Convention sur la notification à l'étranger, il fut estimé qu'une telle revision ne serait ni opportune ni nécessaire pour accroître son utilité. La Quatorzième session décida, par contre, de recommander aux Etats membres de la Conférence et aux autres Etats parties à la Convention de 1965 de prendre les mesures appropriées pour assurer que tout acte judiciaire ou extrajudiciaire en matière civile ou commerciale, transmis ou signifié à l'étranger -que la transmission de l'acte intervienne ou non par la voie des Autorités centrales instaurées par la Convention sur la notification à l'étranger - soit, dans tous les cas, accompagné de la formule annexée à cette Convention, comme expliqué ci-dessous, aux paragraphes 16 à 19.

16 a Pour donner suite à une des suggestions du Conseil de l'Europe, la note d'information remise au destinataire doit clairement indiquer l'identité et l'adresse du destinataire visé. Ce destinataire pourrait alors se rendre plus facilement compte si l'acte lui était ou non réellement destiné à titre personnel ou en quelque autre qualité, ce qui pourrait ne pas résulter clairement de l'acte lui-même.

Ce point peut revêtir une importance primordiale. Par exemple, le droit positif concernant les personnes morales présente de profondes divergences dans les divers Etats, et ces divergences peuvent jouer un rôle considérable dans un litige.

Le destinataire doit donc être en mesure de savoir, le plus rapidement possible, en quelle qualité il lui est demandé de prendre telle ou telle mesure, ou en quelle qualité un jugement a été prononcé contre lui.

On se rendit compte que cette mention pourrait faire double emploi avec la mention relative à "l'identité des parties" que l'on trouve dans la formule modèle de la Convention sur la notification à l'étranger. On estima, cependant, qu'il serait utile de faire figurer sur ce point en tête de la formule une mention expresse. D'ailleurs, le destinataire n'est pas toujours une des parties au litige, mais il peut être, par exemple, un simple témoin.

17 b La formule modèle annexée à la Convention sur la notification à l'étranger ne contient ni un avertissement explicite qu'il s'agit d'un acte juridique susceptible d'affecter les droits et les intérêts du destinataire, ni une invitation à consulter un conseiller juridique. Selon les principes énoncés dans le document établi par le Conseil de l'Europe mentionné ci-dessus, un tel avertissement doit accompagner tout acte judiciaire ou extrajudiciaire transmis ou signifié à l'étranger en matière civile ou commerciale. La Quatorzième session estima qu'une note en ce sens, complétée par la suggestion qu'une consultation juridique pourrait être nécessaire, devrait être ajoutée à la formule modèle. De plus, le destinataire doit être informé que les "Eléments essentiels de l'acte" lui fourniront certains renseignements importants sur la nature et l'objet de l'acte, mais il fut jugé nécessaire de souligner dans l'avertissement qu'il est indispensable que le destinataire lise attentivement le texte même du document car il est possible que tous les faits qui présentent de l'importance pour lui n'aient pas été mentionnés dans la formule.

18 c Comme le destinataire peut disposer de ressources insuffisantes, on jugea nécessaire de lui rappeler qu'il pourrait éventuellement obtenir le bénéfice de l'assistance judiciaire ou d'une consultation juridique, et cela, tout d'abord, dans le pays d'origine de l'acte.

Très souvent, le destinataire peut avoir du mal à découvrir lui-même auprès de qui il peut recueillir des renseignements sur ses chances d'obtenir l'assistance judiciaire ou une consultation juridique, dans le pays d'origine de l'acte. C'est pourquoi il fut jugé opportun d'indiquer au destinataire, au moyen d'une mention expresse, dans un paragraphe séparé de l'avertissement, à quelle autorité ou personne déterminée il pourrait s'adresser dans le pays d'origine de l'acte, pour obtenir des renseignements sur la possibilité pour lui d'obtenir le bénéfice de l'assistance judiciaire ou d'une consultation juridique.

19 d Il fut, de plus, convenu de recommander l'emploi tant de la langue anglaise que de la langue française pour les mentions habituelles figurant dans la formule modèle (avertissement et éléments essentiels de l'acte). Cependant, on admit que ces mentions pourraient également être rédigées dans la langue, ou une des langues officielles, de l'Etat d'origine de l'acte. (La note prévoit des espaces blancs à cet effet.)6

Il fut décidé que ces blancs devraient être remplis soit dans la langue de l'Etat où l'acte doit être transmis, soit en langue anglaise ou française.7

20 La question se pose de savoir si la formule devait contenir des renseignements supplémentaires sur l'action à entreprendre au sujet de l'acte - en dehors de la date et du lieu de la comparution - et sur les conséquences que pourraient avoir pour le destinataire le fait de n'entreprendre aucune action.

On estima cependant a) que, dans de nombreux cas, il est à peu près impossible d'indiquer les conséquences possibles, ou même les conséquences immédiates du fait de n'entreprendre aucune action; b) qu'en cherchant à déterminer les conséquences juridiques encourues par le destinataire, c'est la responsabilité de l'auteur de la note d'information qui pourrait être engagée et c) qu'en tout état de cause, l'application de cette note n'aurait qu'un caractère très général. La formule modèle ne doit pas remplacer, mais plutôt compléter, les notes d'information plus précises portant sur des domaines limités qui sont prévues par les règles de procédure de plusieurs systèmes nationaux.

21 Au surplus, la Quatorzième session décida de recommander à chaque Etat membre, ainsi qu'aux Etats parties à la Convention sur la notification à l'étranger, de donner de temps à autre, au moment opportun, au Bureau Permanent, des informations sur les mesures prises pour appliquer la Recommandation. Le but de cette disposition est de permettre la création d'un centre où des informations pourraient être obtenues si le besoin s'en fait sentir.

22 La Quatorzième session décida aussi, sous la forme d'un "Voeu", d'étendre la Recommandation à des Etats qui ne sont ni des Membres de la Conférence, ni des Parties à la Convention sur la notification à l'étranger, ainsi qu'aux organismes et institutions qu'elle pourrait concerner (cours internationales de justice ou organes exerçant des fonctions judiciaires, etc.).


1 Au 1er mai 1981, les Etats suivants étaient Membres du Conseil de l'Europe: République fédérale d'Allemagne, Autriche, Belgique, Chypre, Danemark, Espagne, France, Grèce, Irlande, Islande, Italie, Liechtenstein, Luxembourg, Malte, Norvège, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni, Suède, Suisse, Turquie. [retour au texte]

2 Au 1er mai 1981, les Etats suivants étaient Membres de la Conférence de La Haye de droit international privé: République fédérale d'Allemagne, Argentine, Australie, Autriche, Belgique, Canada, Danemark, Egypte, Espagne, Etats-Unis, Finlande, France, Grèce, Irlande, Israël, Italie, Japon, Luxembourg, Norvège, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni, Suède, Suisse, Suriname, Tchécoslovaquie, Turquie, Venezuela, Yougoslavie. [retour au texte]

3 Comité d'experts sur l'accès à la justice (appelé auparavant Comité d'experts sur les obstacles économiques et autres en matière de procédure civile, notamment à l'étranger). La Conférence de La Haye a participé en observateur aux travaux de ce Comité. [retour au texte]

4 Sur le continent américain, la Convention interaméricaine sur les commissions rogatoires, signée à Panama le 30 janvier 1975, et son Protocole additionnel signé à Montevideo le 8 mai 1979, portent sur ces matières. [retour au texte]

5 Au 1er mai 1980, les Etats suivants étaient Parties à cette Convention: République fédérale d'Allemagne, Barbade, Belgique, Botswana, Danemark, Egypte, Etats-Unis, Finlande, France, Irlande, Israël, Italie, Japon, Luxembourg, Malawi, Norvège, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni, Suède, Turquie. [retour au texte]

6 Aux termes de l'article 7, premier paragraphe, de la Convention sur la notification à l'étranger, les mentions imprimées dans la formule modèle annexée à la Convention devront obligatoirement être rédigées soit en langue française, soit en langue anglaise. Elles pourront aussi être rédigées dans la langue, ou une des langues officielles, de l'Etat d'origine de l'acte. Par conséquent, dans la mesure où la Recommandation exige pour ces mentions l'emploi tant de la langue française que de la langue anglaise, elle va plus loin que la Convention. [retour au texte]

7 Ce qui est conforme au second paragraphe de l'article 7 de la Convention sur la notification à l'étranger. [retour au texte]