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Chypre est liée par la Convention du fait de l'approbation de l'Union européenne (veuillez cliquer ici pour lire les déclarations faites par l'Union européenne).

8-12-2016
(traduction)

La République de Chypre a examiné la déclaration faite par la République de Turquie lors de la ratification de la Convention sur le recouvrement international des aliments destinés aux enfants et à d’autres membres de la famille, datée du 7 octobre 2016 et enregistrée à la même date par le ministère des Affaires étrangères du royaume des Pays-Bas. Il convient de rappeler que la République de Chypre est liée par la Convention du fait de son approbation par l’Union européenne.

Dans sa déclaration, la Turquie affirme que sa ratification de la Convention sur le recouvrement international des aliments destinés aux enfants et à d’autres membres de la famille n’implique aucune forme de reconnaissance de la République de Chypre en tant que partie à la Convention, ni aucune obligation de la part de la Turquie d’entretenir avec la République de Chypre des relations dans le cadre de ladite Convention.

Selon la république de Chypre, la teneur et l’effet visé de cette déclaration la rendent équivalente dans son essence à une réserve contraire à l’objet et au but de la Convention. Par cette déclaration, la République de Turquie cherche à se soustraire à ses obligations au titre de la Convention à l’égard d’un autre État partie égal et souverain, à savoir la République de Chypre. La déclaration s’oppose en effet à la mise en oeuvre de la coopération entre États parties prévue par la Convention.

C’est pourquoi la République de Chypre rejette fermement ladite déclaration faite par la République de Turquie et la considère comme nulle et non avenue. Les objections susmentionnées de la République de Chypre ne bloquent pas l’entrée en vigueur de la Convention dans son intégralité entre la République de Chypre et la République de Turquie.

Concernant l’affirmation de la République de Turquie, dans la même déclaration, selon laquelle la République de Chypre est « défunte » et qu’« il n’y a pas d’autorité unique qui, de droit ou de fait, est compétente pour représenter conjointement les Chypriotes turcs et les Chypriotes grecs et par conséquent Chypre dans son ensemble », la République de Chypre souhaite rappeler les éléments suivants :

Malgré son statut, en vertu d’accords internationaux contraignants, de garant de « l’indépendance, l’intégrité territoriale et la sécurité de la République de Chypre » (article II du traité de garantie de 1960), la République de Turquie a envahi Chypre en toute illégalité en 1974 et continue depuis à occuper 36,2 % du territoire de la République.

Le caractère illicite de cette agression a été confirmé par les résolutions 541 (1983) et 550 (1984) du Conseil de sécurité des Nations unies. Le paragraphe 2 de la résolution 541 considère « la proclamation [des autorités chypriotes turques présentée comme déclaration de sécession d’une partie de la République de Chypre] comme juridiquement nulle et demande son retrait ». Le paragraphe 3 « demande encore une fois à tous les États de respecter la souveraineté, l’indépendance, l’intégrité territoriale et le non-alignement de la République de Chypre et de ne pas reconnaître d’autre État chypriote que la République de Chypre ». Le paragraphe 2 de la résolution 550 « condamne toutes les mesures sécessionnistes, y compris le prétendu échange d’ambassadeurs entre la Turquie et les dirigeants chypriotes turcs, déclare ces mesures illégales et invalides et demande qu’elles soient immédiatement rapportées ». Enfin, le paragraphe 3 « réitère l’appel lancé à tous les États de ne pas reconnaître le prétendu État dit « République turque de Chypre-Nord », créé par des actes de sécession, et leur demande de ne pas encourager ni d’aider d’aucune manière l’entité sécessionniste susmentionnée ».

Par ailleurs, dans son arrêt du 10 mai 2001 dans la quatrième affaire interétatique opposant Chypre à la Turquie, la Cour européenne des droits de l’homme a estimé, au paragraphe 77, que la Turquie, qui « exerce en pratique un contrôle global sur le nord de Chypre », est tenue d’assurer le respect des droits garantis par la Convention européenne des droits de l’homme et que les violations de ces droits par ses propres soldats ou fonctionnaires ou par l’administration locale lui sont imputables. Les responsabilités de la puissance d’occupation découlent du droit international humanitaire, y compris la quatrième Convention de Genève.

Étant donné le contrôle effectif qu’elle exerce à travers ses forces armées, la Turquie est responsable de la politique et des actions de la « RTCN ». Sa responsabilité s’étend aux actes de l’administration locale, qui survit grâce à son soutien militaire et autre (Chypre c. Turquie, arrêt du 10 mai 2001, p. 20-21, s’appuyant sur l’arrêt Loizidou). Il ressort manifestement des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme et des résolutions du Conseil de sécurité sur Chypre que la communauté internationale ne considère pas la « RTCN » (administration subordonnée à la Turquie dans la partie occupée de Chypre, fermement condamnée par le Conseil de sécurité) comme un État au regard du droit international (Chypre c. Turquie, 10 mai 2001, paragraphe 61). Le statut de la République de Chypre comme unique gouvernement légitime de Chypre a au contraire été réaffirmé à maintes reprises, en dépit des assertions de la Turquie sur ce gouvernement, qu’elle appelle « administration chypriote grecque » et auquel elle reproche ses prétentions à « représenter la défunte République ». Les assertions de la Turquie sont un stratagème de propagande visant à détourner l’attention de sa responsabilité pour les violations perpétrées dans la partie occupée de Chypre. Les affirmations de la Turquie et son refus de reconnaître l’autorité, la juridiction et la souveraineté de la République de Chypre, ainsi que ses revendications au nom des Chypriotes turcs et de la « RTCN » ont été à maintes reprises rejetés par la communauté internationale et les instances judiciaires pertinentes, devant lesquelles ces revendications ont été exhaustivement examinées puis réfutées dans les plaidoiries de Chypre. Le traitement des Chypriotes turcs par le gouvernement de Chypre a fait l’objet de désinformation. (Ces récriminations apparaissent de nouveau dans la présente déclaration de la Turquie). Dans les faits, la Cour européenne des droits de l’homme et la Commission ont approuvé les arguments de Chypre et sa réfutation des assertions et exagérations de la Turquie concernant la période antérieure à l’invasion turque de Chypre en juillet 1974. Elles ont refusé de se prononcer sur la version turque de l’éviction des Chypriotes turcs des fonctions publiques (il s’agissait en fait d’un boycott turc).

Il est maintenant temps de donner un écho et une suite aux déclarations et décisions incluses dans les résolutions ainsi que dans les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme. La Cour a ellemême souligné dans son arrêt (Satisfaction équitable) du 12 mai 2014 qu’il devait en être ainsi une fois qu’elle s’est prononcée (Chypre c. Turquie, p. 23, opinion concordante de neuf juges). Il convient de souligner que récemment encore, en date du 26 juillet 2016 (résolution 2300), le Conseil de sécurité a réaffirmé toutes ses résolutions sur Chypre après avoir réitéré leur teneur au fil des décennies.

Cependant, non seulement la République de Turquie traite avec un mépris flagrant toutes les résolutions pertinentes des Nations unies, les règles du droit international et la Charte des Nations unies, mais elle continue en outre à violer le droit international en remettant systématiquement en cause la légitimité de la République de Chypre et en encourageant l’entité sécessionniste illégale dans la partie occupée de la République de Chypre, y compris par le biais de déclarations telles que celle en question.