41: Convention du 2 juillet 2019 sur la reconnaissance et l’exécution des jugements étrangers en matière civile ou commerciale
Entrée en vigueur: 1-IX-2023
(Conclue le 2 juillet 2019)
Les Parties contractantes à la présente Convention,
Désireuses de promouvoir un accès effectif de tous à la justice et de faciliter, à l’échelon multilatéral, le commerce et l’investissement fondés sur des règles, ainsi que la mobilité, par le biais de la coopération judiciaire,
Estimant que cette coopération peut être renforcée par la mise en place d’un ensemble uniforme de règles essentielles sur la reconnaissance et l’exécution des jugements étrangers en matière civile ou commerciale, afin de faciliter la reconnaissance et l’exécution effectives de ces jugements,
Convaincues que cette coopération judiciaire renforcée nécessite notamment un régime juridique international offrant une plus grande prévisibilité et sécurité en matière de circulation des jugements étrangers à l’échelle mondiale, qui soit complémentaire de la Convention du 30 juin 2005 sur les accords d’élection de for,
Ont résolu de conclure la présente Convention à cet effet et sont convenues des dispositions suivantes :
CHAPITRE I – CHAMP D’APPLICATION ET DÉFINITIONS
Article premier
Champ d’application
1. La présente Convention s’applique à la reconnaissance et à l’exécution des jugements en matière civile ou commerciale. Elle ne recouvre notamment pas les matières fiscales, douanières ou administratives.
2. La présente Convention s’applique à la reconnaissance et à l’exécution, dans un État contractant, d’un jugement rendu par un tribunal d’un autre État contractant.
Article 2
Exclusions du champ d’application
1. La présente Convention ne s’applique pas aux matières suivantes :
(a) l’état et la capacité des personnes physiques ;
(b) les obligations alimentaires ;
(c) les autres matières du droit de la famille, y compris les régimes matrimoniaux et les autres droits ou obligations découlant du mariage ou de relations similaires ;
(d) les testaments et les successions ;
(e) l’insolvabilité, les concordats, la résolution d’établissements financiers, ainsi que les matières analogues ;
(f) le transport de passagers et de marchandises ;
(g) la pollution marine transfrontière, la pollution marine dans les zones ne relevant pas de la juridiction nationale, la pollution marine par les navires, la limitation de responsabilité pour des demandes en matière maritime, ainsi que les avaries communes ;
(h) la responsabilité pour les dommages nucléaires ;
(i) la validité, la nullité ou la dissolution des personnes morales ou des associations entre personnes physiques ou personnes morales, ainsi que la validité des décisions de leurs organes ;
(j) la validité des inscriptions sur les registres publics ;
(k) la diffamation ;
(l) le droit à la vie privée ;
(m) la propriété intellectuelle ;
(n) les activités des forces armées, y compris celles de leur personnel dans l’exercice de ses fonctions officielles ;
(o) les activités relatives au maintien de l'ordre, y compris celles du personnel chargé du maintien de l'ordre dans l’exercice de ses fonctions officielles ;
(p) les entraves à la concurrence, sauf lorsque le jugement porte sur un comportement qui constitue un accord anticoncurrentiel ou une pratique concertée entre concurrents réels ou potentiels visant à fixer les prix, procéder à des soumissions concertées, établir des restrictions ou des quotas à la production, ou diviser des marchés par répartition de la clientèle, de fournisseurs, de territoires ou de lignes d’activité, et lorsque ce comportement et ses effets se sont tous deux produits dans l’État d'origine ;
(q) la restructuration de la dette souveraine par des mesures étatiques unilatérales.
2. Un jugement n’est pas exclu du champ d’application de la présente Convention lorsqu’une question relevant d’une matière à laquelle elle ne s’applique pas est soulevée seulement à titre préalable et non comme objet du litige. En particulier, le seul fait qu’une telle matière ait été invoquée dans le cadre d’un moyen de défense n’exclut pas le jugement du champ d’application de la Convention, si cette question n’était pas un objet du litige.
3. La présente Convention ne s’applique pas à l’arbitrage et aux procédures y afférentes.
4. Un jugement n’est pas exclu du champ d’application de la présente Convention du seul fait qu’un État, y compris un gouvernement, une agence gouvernementale ou toute personne agissant pour un État, était partie au litige.
5. La présente Convention n’affecte en rien les privilèges et immunités dont jouissent les États ou les organisations internationales, pour eux-mêmes et pour leurs biens.
Article 3
Définitions
1. Au sens de la présente Convention :
(a) le terme « défendeur » signifie la personne contre laquelle la demande ou la demande reconventionnelle a été introduite dans l’État d’origine ;
(b) le terme « jugement » signifie toute décision sur le fond rendue par un tribunal, quelle que soit la dénomination donnée à cette décision, telle qu’un arrêt ou une ordonnance, de même que la fixation des frais et dépens de la procédure par le tribunal (y compris par une personne autorisée du tribunal), à condition que cette fixation ait trait à une décision sur le fond susceptible d’être reconnue ou exécutée en vertu de la présente Convention. Les mesures provisoires et conservatoires ne sont pas des jugements.
2. Une entité ou une personne autre qu’une personne physique est réputée avoir sa résidence habituelle dans l’État :
(a) de son siège statutaire ;
(b) selon le droit duquel elle a été constituée ;
(c) de son administration centrale ; ou
(d) de son principal établissement.
CHAPITRE II – RECONNAISSANCE ET EXÉCUTION
Article 4
Dispositions générales
1. Un jugement rendu par un tribunal d’un État contractant (État d’origine) est reconnu et exécuté dans un autre État contractant (État requis) conformément aux dispositions du présent chapitre. La reconnaissance ou l’exécution ne peut être refusée qu’aux motifs énoncés dans la présente Convention.
2. Le jugement ne peut pas faire l’objet d’une révision au fond dans l’État requis. Il ne peut y avoir d’appréciation qu’au regard de ce qui est nécessaire pour l’application de la présente Convention.
3. Un jugement n’est reconnu que s’il produit ses effets dans l’État d’origine et n’est exécuté que s’il est exécutoire dans l’État d’origine.
4. La reconnaissance ou l’exécution peut être différée ou refusée si le jugement visé au paragraphe 3 fait l’objet d’un recours dans l’État d’origine ou si le délai pour exercer un recours ordinaire n’a pas expiré. Un tel refus n’empêche pas une demande ultérieure de reconnaissance ou d’exécution du jugement.
Article 5
Fondements de la reconnaissance et de l’exécution
1. Un jugement est susceptible d’être reconnu et exécuté si l’une des exigences suivantes est satisfaite :
(a) la personne contre laquelle la reconnaissance ou l’exécution est demandée avait sa résidence habituelle dans l’État d’origine lorsqu’elle est devenue partie à la procédure devant le tribunal d’origine ;
(b) la personne physique contre laquelle la reconnaissance ou l’exécution est demandée avait son établissement professionnel principal dans l’État d’origine lorsqu’elle est devenue partie à la procédure devant le tribunal d’origine et la demande sur laquelle se fonde le jugement résultait de son activité professionnelle ;
(c) la personne contre laquelle la reconnaissance ou l’exécution est demandée est celle qui a saisi le tribunal de la demande, autre que reconventionnelle, sur laquelle se fonde le jugement ;
(d) le défendeur avait une succursale, une agence ou tout autre établissement sans personnalité juridique propre dans l’État d’origine, au moment où il est devenu une partie à la procédure devant le tribunal d’origine, et la demande sur laquelle se fonde le jugement résultait des activités de cette succursale, de cette agence ou de cet établissement ;
(e) le défendeur a expressément consenti à la compétence du tribunal d’origine au cours de la procédure dans laquelle le jugement a été rendu ;
(f) le défendeur a fait valoir ses arguments sur le fond devant le tribunal d’origine sans en contester la compétence dans les délais prescrits par le droit de l’État d’origine, à moins qu’il ne soit évident qu’une contestation de la compétence ou de son exercice aurait échoué en vertu de ce droit ;
(g) le jugement porte sur une obligation contractuelle et a été rendu par un tribunal de l’État dans lequel l’obligation a été ou aurait dû être exécutée, conformément
(i) à l’accord des parties, ou
(ii) à la loi applicable au contrat, à défaut d’un accord sur le lieu d’exécution,
sauf si les activités du défendeur en relation avec la transaction ne présentaient manifestement pas de lien intentionnel et substantiel avec cet État ;
(h) le jugement porte sur un bail immobilier et a été rendu par un tribunal de l’État où est situé l’immeuble ;
(i) le jugement rendu contre le défendeur porte sur une obligation contractuelle garantie par un droit réel relatif à un immeuble situé dans l’État d’origine, à condition que la demande contractuelle ait été accompagnée d’une demande portant sur ce droit réel dirigée contre ce défendeur ;
(j) le jugement porte sur une obligation non contractuelle résultant d’un décès, d’un dommage corporel, d’un dommage subi par un bien corporel ou de la perte d’un bien corporel et l’acte ou l’omission directement à l’origine du dommage a été commis dans l’État d’origine, quel que soit le lieu où le dommage est survenu ;
(k) le jugement porte sur la validité, l’interprétation, les effets, l’administration ou la modification d’un trust constitué volontairement et documenté par écrit, et :
(i) au moment de l’introduction de l’instance, l’État d’origine était désigné dans l’acte constitutif du trust comme étant un État dont les tribunaux sont appelés à trancher les litiges relatifs à ces questions ; ou
(ii) au moment de l’introduction de l’instance, l’État d’origine était désigné, de façon expresse ou implicite, dans l’acte constitutif du trust comme étant l’État dans lequel est situé le lieu principal d’administration du trust.
Le présent alinéa ne s’applique qu’aux jugements portant sur des aspects internes d’un trust entre personnes étant ou ayant été au sein de la relation établie par le trust ;
(l) le jugement porte sur une demande reconventionnelle :
(i) dans la mesure où il a été rendu en faveur du demandeur reconventionnel, à condition que cette demande résulte de la même transaction ou des mêmes faits que la demande principale ; ou
(ii) dans la mesure où il a été rendu contre le demandeur reconventionnel, sauf si le droit de l’État d’origine exigeait une demande reconventionnelle à peine de forclusion ;
(m) le jugement a été rendu par un tribunal désigné dans un accord conclu ou documenté par écrit ou par tout autre moyen de communication qui rende l’information accessible pour être consultée ultérieurement, autre qu’un accord exclusif d’élection de for.
Aux fins du présent alinéa, un « accord exclusif d’élection de for » est un accord conclu entre deux ou plusieurs parties qui désigne, pour connaître des litiges nés ou à naître à l’occasion d’un rapport de droit déterminé, soit les tribunaux d'un État, soit un ou plusieurs tribunaux particuliers d’un État, à l’exclusion de la compétence de tout autre tribunal.
2. Si la reconnaissance ou l’exécution est demandée contre une personne physique agissant principalement dans un but personnel, familial ou domestique (un consommateur) en matière de contrat de consommation, ou contre un employé relativement à son contrat de travail :
(a) l’alinéa (e) du paragraphe premier ne s’applique que si le consentement a été donné devant le tribunal, que ce soit oralement ou par écrit ;
(b) les alinéas (f), (g) et (m) du paragraphe premier ne s’appliquent pas.
3. Le paragraphe premier ne s’applique pas à un jugement portant sur un bail immobilier résidentiel (bail d’habitation) ou sur l’enregistrement d’un immeuble. Un tel jugement est susceptible d’être reconnu et exécuté uniquement s’il a été rendu par un tribunal de l’État où est situé l’immeuble.
Article 6
Fondement exclusif de la reconnaissance et de l’exécution
Nonobstant l’article 5, un jugement portant sur des droits réels immobiliers n’est reconnu ou exécuté que si l’immeuble est situé dans l’État d’origine.
Article 7
Refus de reconnaissance et d’exécution
1. La reconnaissance ou l’exécution peut être refusée si :
(a) l’acte introductif d’instance ou un acte équivalent contenant les éléments essentiels de la demande :
(i) n'a pas été notifié au défendeur en temps utile et de telle manière qu'il puisse organiser sa défense, à moins que le défendeur ait comparu et présenté sa défense sans contester la notification devant le tribunal d’origine, à condition que le droit de l’État d’origine permette de contester la notification ; ou
(ii) a été notifié au défendeur dans l’État requis de manière incompatible avec les principes fondamentaux de l’État requis relatifs à la notification de documents ;
(b) le jugement résulte d’une fraude ;
(c) la reconnaissance ou l'exécution est manifestement incompatible avec l'ordre public de l'État requis, notamment dans le cas où la procédure appliquée en l’espèce pour obtenir le jugement était incompatible avec les principes fondamentaux d’équité procédurale de cet État et en cas d’atteinte à la sécurité ou à la souveraineté de cet État ;
(d) la procédure devant le tribunal d’origine était contraire à un accord, ou à une clause figurant dans l’acte constitutif d’un trust, en vertu duquel le litige en question devait être tranché par un tribunal d’un État autre que l’État d’origine ;
(e) le jugement est incompatible avec un jugement rendu par un tribunal de l’État requis dans un litige entre les mêmes parties ; ou
(f) le jugement est incompatible avec un jugement rendu antérieurement par un tribunal d’un autre État entre les mêmes parties dans un litige ayant le même objet, lorsque le jugement rendu antérieurement réunit les conditions nécessaires à sa reconnaissance dans l’État requis.
2. La reconnaissance ou l’exécution peut être différée ou refusée si une procédure ayant le même objet est pendante entre les mêmes parties devant un tribunal de l’État requis lorsque :
(a) ce dernier a été saisi avant le tribunal de l’État d’origine ; et
(b) il existe un lien étroit entre le litige et l’État requis.
Le refus visé au présent paragraphe n’empêche pas une demande ultérieure de reconnaissance ou d’exécution du jugement.
Article 8
Questions préalables
1. Une décision rendue à titre préalable sur une matière à laquelle la présente Convention ne s’applique pas, ou sur une matière visée à l’article 6 par un tribunal d’un État autre que l’État désigné dans cette disposition, n’est pas reconnue ou exécutée en vertu de la présente Convention.
2. La reconnaissance ou l’exécution d’un jugement peut être refusée si, et dans la mesure où, le jugement est fondé sur une décision relative à une matière à laquelle la présente Convention ne s’applique pas, ou sur une décision relative à une matière visée à l’article 6 qui a été rendue par un tribunal d’un État autre que l’État désigné dans cette disposition.
Article 9
Divisibilité
La reconnaissance ou l’exécution d’une partie dissociable d’un jugement est accordée si la reconnaissance ou l’exécution de cette partie est demandée ou si seule une partie du jugement peut être reconnue ou exécutée en vertu de la présente Convention.
Article 10
Dommages et intérêts
1. La reconnaissance ou l’exécution d’un jugement peut être refusée si, et dans la mesure où, le jugement accorde des dommages et intérêts, y compris des dommages et intérêts exemplaires ou punitifs, qui ne compensent pas une partie pour la perte ou le préjudice réels subis.
2. Le tribunal requis prend en considération si, et dans quelle mesure, le montant accordé à titre de dommages et intérêts par le tribunal d’origine est destiné à couvrir les frais et dépens de la procédure.
Article 11
Transactions judiciaires
Les transactions judiciaires homologuées par un tribunal d’un État contractant, ou qui ont été conclues au cours d’une instance devant un tribunal d’un État contractant, et qui sont exécutoires au même titre qu’un jugement dans l’État d’origine, sont exécutées en vertu de la présente Convention aux mêmes conditions qu’un jugement.
Article 12
Pièces à produire
1. La partie qui requiert la reconnaissance ou qui demande l’exécution doit produire :
(a) une copie complète et certifiée conforme du jugement ;
(b) si le jugement a été rendu par défaut, l’original ou une copie certifiée conforme du document attestant que l’acte introductif d’instance ou un acte équivalent a été notifié à la partie défaillante ;
(c) tout document nécessaire pour établir que le jugement produit ses effets dans l’État d’origine ou, le cas échéant, qu’il est exécutoire dans cet État ;
(d) dans le cas prévu à l’article 11, un certificat délivré par un tribunal (y compris par une personne autorisée du tribunal) de l’État d’origine attestant que la transaction judiciaire est exécutoire, en tout ou en partie, aux mêmes conditions qu’un jugement dans l’État d’origine.
2. Si le contenu du jugement ne permet pas au tribunal requis de vérifier que les conditions du présent chapitre sont remplies, ce tribunal peut exiger tout document nécessaire.
3. Une demande de reconnaissance ou d’exécution peut être accompagnée d’un document relatif au jugement, délivré par un tribunal (y compris par une personne autorisée du tribunal) de l’État d’origine, sous la forme recommandée et publiée par la Conférence de La Haye de droit international privé.
4. Si les documents mentionnés dans le présent article ne sont pas rédigés dans une langue officielle de l’État requis, ils doivent être accompagnés d’une traduction certifiée dans une langue officielle, sauf si le droit de l’État requis en dispose autrement.
Article 13
Procédure
1. La procédure tendant à obtenir la reconnaissance, l’exequatur ou l’enregistrement aux fins d’exécution, et l’exécution du jugement sont régies par le droit de l’État requis sauf si la présente Convention en dispose autrement. Le tribunal de l’État requis agit avec célérité.
2. Le tribunal de l’État requis ne peut refuser de reconnaître ou d’exécuter un jugement en vertu de la présente Convention au motif que la reconnaissance ou l’exécution devrait être requise dans un autre État.
Article 14
Frais de procédure
1. Aucune sûreté ou caution ni aucun dépôt, sous quelque dénomination que ce soit, ne peut être imposé en raison, soit de sa seule qualité d’étranger, soit du seul défaut de domicile ou de résidence dans l’État requis, à la partie qui demande l’exécution dans un État contractant d’une décision rendue par un tribunal d’un autre État contractant.
2. Toute condamnation aux frais et dépens de la procédure, rendue dans un État contractant contre toute personne dispensée du versement d’une sûreté, d’une caution ou d’un dépôt en vertu du paragraphe premier ou du droit de l’État dans lequel l’instance a été introduite est, à la demande du créancier, déclarée exécutoire dans tout autre État contractant.
3. Un État peut déclarer qu'il n'appliquera pas le paragraphe premier ou désigner dans une déclaration lesquels de ses tribunaux ne l’appliqueront pas.
Article 15
Reconnaissance et exécution en application du droit national
Sous réserve de l’article 6, la présente Convention ne fait pas obstacle à la reconnaissance ou à l’exécution d’un jugement en application du droit national.
CHAPITRE III – CLAUSES GÉNÉRALES
Article 16
Disposition transitoire
La présente Convention s’applique à la reconnaissance et à l’exécution de jugements si, au moment de l’introduction de l’instance dans l’État d’origine, la Convention produisait des effets entre cet État et l’État requis.
Article 17
Déclarations limitant la reconnaissance et l’exécution
Un État peut déclarer que ses tribunaux peuvent refuser de reconnaître ou d’exécuter un jugement rendu par un tribunal d’un autre État contractant, lorsque les parties avaient leur résidence dans l’État requis et que les relations entre les parties, ainsi que tous les autres éléments pertinents du litige, autres que le lieu du tribunal d’origine, étaient liés uniquement à l’État requis.
Article 18
Déclarations relatives à des matières particulières
1. Lorsqu’un État a un intérêt important à ne pas appliquer la présente Convention à une matière particulière, il peut déclarer qu’il ne l’appliquera pas à cette matière. L’État qui fait une telle déclaration s’assure que la portée de celle-ci n’est pas plus étendue que nécessaire et que la matière particulière exclue est définie de façon claire et précise.
2. À l’égard d’une telle matière, la Convention ne s’applique pas :
(a) dans l’État contractant ayant fait la déclaration ;
(b) dans les autres États contractants, lorsque la reconnaissance ou l’exécution d’un jugement rendu par un tribunal d’un État contractant ayant fait la déclaration est demandée.
Article 19
Déclarations relatives aux jugements concernant un État
1. Un État peut déclarer qu’il n’appliquera pas la présente Convention aux jugements issus de procédures auxquelles est partie :
(a) cet État ou une personne physique agissant pour celui-ci ; ou
(b) une agence gouvernementale de cet État ou toute personne physique agissant pour celle-ci.
L’État qui fait une telle déclaration s’assure que la portée de celle-ci n’est pas plus étendue que nécessaire et que l’exclusion du champ d’application y est définie de façon claire et précise. La déclaration ne peut pas faire de distinction selon que l’État, une agence gouvernementale de cet État ou une personne physique agissant pour l’un ou l’autre est le défendeur ou le demandeur à la procédure devant le tribunal d’origine.
2. La reconnaissance ou l’exécution d’un jugement rendu par un tribunal d’un État qui a fait une déclaration en vertu du paragraphe premier peut être refusée si le jugement est issu d’une procédure à laquelle est partie l’État qui a fait la déclaration ou l’État requis, l’une de leurs agences gouvernementales ou une personne physique agissant pour l’un d’entre eux, dans les limites prévues par cette déclaration.
Article 20
Interprétation uniforme
Aux fins de l’interprétation de la présente Convention, il sera tenu compte de son caractère international et de la nécessité de promouvoir l’uniformité de son application.
Article 21
Examen du fonctionnement de la Convention
Le Secrétaire général de la Conférence de La Haye de droit international privé prend périodiquement des dispositions en vue de l’examen du fonctionnement de la présente Convention, y compris de toute déclaration, et en fait rapport au Conseil sur les affaires générales et la politique.
Article 22
Systèmes juridiques non unifiés
1. Au regard d’un État contractant dans lequel deux ou plusieurs systèmes de droit ayant trait aux questions régies par la présente Convention s’appliquent dans des unités territoriales différentes :
(a) toute référence à la loi, au droit ou à la procédure d’un État vise, le cas échéant, la loi, le droit ou la procédure en vigueur dans l’unité territoriale considérée ;
(b) toute référence au tribunal ou aux tribunaux d’un État vise, le cas échéant, le tribunal ou les tribunaux de l’unité territoriale considérée ;
(c) toute référence au lien avec un État vise, le cas échéant, le lien avec l’unité territoriale considérée ;
(d) toute référence à un facteur de rattachement à l’égard d'un État vise, le cas échéant, ce facteur de rattachement à l’égard de l’unité territoriale considérée.
2. Nonobstant le paragraphe premier, un État contractant qui comprend deux ou plusieurs unités territoriales dans lesquelles des systèmes de droit différents s’appliquent n’est pas tenu d’appliquer la présente Convention aux situations qui impliquent uniquement ces différentes unités territoriales.
3. Un tribunal d’une unité territoriale d’un État contractant qui comprend deux ou plusieurs unités territoriales dans lesquelles des systèmes de droit différents s’appliquent n’est pas tenu de reconnaître ou d’exécuter un jugement d’un autre État contractant au seul motif que le jugement a été reconnu ou exécuté dans une autre unité territoriale du même État contractant selon la présente Convention.
4. Le présent article ne s’applique pas aux Organisations régionales d’intégration économique.
Article 23
Rapport avec d’autres instruments internationaux
1. La présente Convention doit être interprétée de façon qu’elle soit, autant que possible, compatible avec d’autres traités en vigueur pour les États contractants, conclus avant ou après cette Convention.
2. La présente Convention n’affecte pas l’application par un État contractant d’un traité conclu avant cette Convention.
3. La présente Convention n’affecte pas l’application par un État contractant d’un traité conclu après cette Convention en ce qui a trait à la reconnaissance ou à l’exécution d’un jugement rendu par un tribunal d’un État contractant qui est également Partie à ce traité. Aucune disposition de l’autre traité n’affecte les obligations prévues à l’article 6 à l’égard des États contractants qui ne sont pas Parties à ce traité.
4. La présente Convention n’affecte pas l’application des règles d’une Organisation régionale d’intégration économique Partie à cette Convention en ce qui a trait à la reconnaissance ou à l’exécution d’un jugement rendu par un tribunal d’un État contractant qui est également un État membre de l’Organisation régionale d’intégration économique lorsque :
(a) ces règles ont été adoptées avant la conclusion de la présente Convention ; ou
(b) ces règles ont été adoptées après la conclusion de la présente Convention, dans la mesure où elles n’affectent pas les obligations prévues à l’article 6 à l'égard des États contractants qui ne sont pas des États membres de l’Organisation régionale d’intégration économique.
CHAPITRE IV – CLAUSES FINALES
Article 24
Signature, ratification, acceptation, approbation ou adhésion
1. La présente Convention est ouverte à la signature de tous les États.
2. La présente Convention est sujette à la ratification, à l’acceptation ou à l’approbation par les États signataires.
3. Tout État peut adhérer à la présente Convention.
4. Les instruments de ratification, d’acceptation, d’approbation ou d’adhésion sont déposés auprès du ministère des Affaires étrangères du Royaume des Pays-Bas, dépositaire de la Convention.
Article 25
Déclarations relatives aux systèmes juridiques non unifiés
1. Un État qui comprend deux ou plusieurs unités territoriales dans lesquelles des systèmes de droit différents s’appliquent aux matières régies par la présente Convention peut déclarer que la Convention s’appliquera à toutes ses unités territoriales ou seulement à l’une ou à plusieurs d’entre elles. La déclaration indique expressément les unités territoriales auxquelles la Convention s’applique.
2. Si un État ne fait pas de déclaration en vertu du présent article, la Convention s’applique à l’ensemble du territoire de cet État.
3. Le présent article ne s’applique pas aux Organisations régionales d’intégration économique.
Article 26
Organisations régionales d’intégration économique
1. Une Organisation régionale d’intégration économique constituée seulement par des États souverains et ayant compétence sur certaines ou toutes les matières régies par la présente Convention peut signer, accepter ou approuver cette Convention ou y adhérer. En pareil cas, l’Organisation régionale d’intégration économique aura les mêmes droits et obligations qu’un État contractant, dans la mesure où cette Organisation a compétence sur des matières régies par la présente Convention.
2. Au moment de la signature, de l’acceptation, de l’approbation ou de l’adhésion, l’Organisation régionale d’intégration économique notifie au dépositaire, par écrit, les matières régies par la présente Convention pour lesquelles ses États membres lui ont transféré leur compétence. L’Organisation notifie aussitôt au dépositaire, par écrit, toute modification intervenue dans la délégation de compétence précisée dans la notification la plus récente faite en vertu du présent paragraphe.
3. Aux fins de l’entrée en vigueur de la présente Convention, tout instrument déposé par une Organisation régionale d’intégration économique n’est pas compté, à moins que l’Organisation régionale d’intégration économique déclare, en vertu de l’article 27(1), que ses États membres ne seront pas Parties à cette Convention.
4. Toute référence à un « État contractant » ou à un « État » dans la présente Convention s’applique également, le cas échéant, à une Organisation régionale d’intégration économique.
Article 27
Organisation régionale d’intégration économique en tant que Partie contractante sans ses États membres
1. Au moment de la signature, de l’acceptation, de l’approbation ou de l’adhésion, une Organisation régionale d’intégration économique peut déclarer qu’elle a compétence pour toutes les matières régies par la présente Convention et que ses États membres ne seront pas Parties à cette Convention mais seront liés par celle-ci en raison de la signature, de l’acceptation, de l’approbation ou de l’adhésion de l’Organisation.
2. Lorsqu’une déclaration est faite par une Organisation régionale d’intégration économique en conformité avec le paragraphe premier, toute référence à un « État contractant » ou à un « État » dans la présente Convention s’applique également, le cas échéant, aux États membres de l’Organisation.
Article 28
Entrée en vigueur
1. La présente Convention entre en vigueur le premier jour du mois suivant l’expiration de la période pendant laquelle une notification peut être faite en vertu de l’article 29(2) à l’égard du deuxième État qui a déposé son instrument de ratification, d’acceptation, d’approbation ou d’adhésion visé à l’article 24.
2. Par la suite, la présente Convention entre en vigueur :
(a) pour chaque État la ratifiant, l’acceptant, l’approuvant ou y adhérant postérieurement, le premier jour du mois suivant l’expiration de la période pendant laquelle des notifications peuvent être faites en vertu de l’article 29(2) à l’égard de cet État ;
(b) pour une unité territoriale à laquelle la présente Convention a été étendue conformément à l’article 25 après l’entrée en vigueur de la Convention pour l’État qui fait la déclaration, le premier jour du mois suivant l’expiration d’une période de trois mois après la notification de la déclaration visée par ledit article.
Article 29
Établissement de relations en vertu de la Convention
1. La présente Convention ne produit des effets entre deux États contractants que si aucun d’entre eux n’a transmis de notification au dépositaire à l’égard de l’autre conformément aux paragraphes 2 ou 3. En l’absence d’une telle notification, la Convention produit des effets entre deux États contractants dès le premier jour du mois suivant l’expiration de la période pendant laquelle les notifications peuvent être faites.
2. Un État contractant peut notifier au dépositaire, dans les 12 mois suivant la date de la notification par le dépositaire visée à l’article 32(a), que la ratification, l’acceptation, l’approbation ou l’adhésion d’un autre État n’aura pas pour effet d’établir des relations entre ces deux États en vertu de la présente Convention.
3. Un État peut notifier au dépositaire, lors du dépôt de son instrument en vertu de l’article 24(4), que sa ratification, son acceptation, son approbation ou son adhésion n’aura pas pour effet d’établir des relations avec un État contractant en vertu de la présente Convention.
4. Un État contractant peut à tout moment retirer une notification qu’il a faite en vertu des paragraphes 2 ou 3. Ce retrait prendra effet le premier jour du mois suivant l’expiration d’une période de trois mois à compter de la date de notification.
Article 30
Déclarations
1. Les déclarations visées aux articles 14, 17, 18, 19 et 25 peuvent être faites lors de la signature, de la ratification, de l’acceptation, de l’approbation ou de l’adhésion ou à tout moment ultérieur et être modifiées ou retirées à tout moment.
2. Les déclarations, modifications et retraits sont notifiés au dépositaire.
3. Une déclaration faite au moment de la signature, de la ratification, de l’acceptation, de l’approbation ou de l’adhésion prend effet au moment de l’entrée en vigueur de la présente Convention pour l’État concerné.
4. Une déclaration faite ultérieurement, ainsi que toute modification ou tout retrait d’une déclaration, prend effet le premier jour du mois suivant l’expiration d’une période de trois mois après la date de réception de la notification par le dépositaire.
5. Une déclaration faite ultérieurement, ainsi que toute modification ou tout retrait d’une déclaration, ne produit pas d’effet à l’égard des jugements rendus à l’issue d’instances déjà introduites devant le tribunal d’origine au moment où la déclaration prend effet.
Article 31
Dénonciation
1. Tout État contractant peut dénoncer la présente Convention par une notification écrite au dépositaire. La dénonciation peut se limiter à certaines unités territoriales d’un système juridique non unifié auxquelles s’applique la présente Convention.
2. La dénonciation prend effet le premier jour du mois suivant l’expiration d’une période de 12 mois après la date de réception de la notification par le dépositaire. Lorsqu’une période plus longue pour la prise d’effet de la dénonciation est précisée dans la notification, la dénonciation prend effet à l’expiration de la période en question après la date de réception de la notification par le dépositaire.
Article 32
Notifications par le dépositaire
Le dépositaire notifie aux Membres de la Conférence de La Haye de droit international privé, ainsi qu’aux autres États et aux Organisations régionales d’intégration économique qui ont signé, ratifié, accepté ou approuvé la présente Convention ou qui y ont adhéré conformément aux articles 24, 26 et 27 les renseignements suivants :
(a) les signatures, ratifications, acceptations, approbations et adhésions prévues aux articles 24, 26 et 27 ;
(b) la date d’entrée en vigueur de la présente Convention conformément à l’article 28 ;
(c) les notifications, déclarations, modifications et retraits prévus aux articles 26, 27, 29 et 30 ; et
(d) les dénonciations prévues à l’article 31.
En foi de quoi, les soussignés, dûment autorisés, ont signé la présente Convention.
Fait à La Haye, le 2 juillet 2019, en français et en anglais, les deux textes faisant également foi, en un seul exemplaire, qui sera déposé dans les archives du Gouvernement du Royaume des Pays-Bas et dont une copie certifiée conforme sera remise, par la voie diplomatique, à chacun des Membres de la Conférence de La Haye de droit international privé lors de sa Vingt-deuxième session ainsi qu’à chacun des autres États ayant participé à cette Session.