http://www.incadat.com/ ref.: HC/E/FR 523 [30/06/1999; Conseil d'Etat (France); Superior Appellate Court] CE 30/06/1999 M Guichard

Conseil d'Etat

statuant au contentieux

N� 191232

Publi� au Recueil Lebon

1 / 4 SSR

M. Eoche-Duval, Rapporteur

M. Bonichot, Commissaire du gouvernement

M. Groux, Pr�sident

Me Copper-Royer, Avocat

Lecture du 30 juin 1999

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requ�te sommaire et le m�moire compl�mentaire, enregistr�s les 7 novembre 1997 et 9 mars 1998 au secr�tariat du contentieux du Conseil d'Etat, pr�sent�s pour M. Jean-Luc GUICHARD, demeurant X . . .; M. GUICHARD demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arr�t du 11 juillet 1997 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, apr�s avoir annul� le jugement du 21 f�vrier 1996 du tribunal administratif de Paris, en tant qu'il avait rejet� pour incomp�tence de la juridiction administrative sa demande d'annulation de la d�cision du 7 juin 1993 du garde des sceaux, ministre de la justice, refusant d'intervenir aupr�s des autorit�s du Canada en application de la convention de La Haye du 25 octobre 1980 pour assurer le retour de son fils G., emmen� par sa m�re dans ce pays le 13 mai 1992, a rejet� cette demande ;

Vu les autres pi�ces du dossier ;

Vu la loi des 16-24 ao�t 1790 ;

Vu le code civil ;

Vu la convention sur les aspects civils de l'enl�vement international d'enfants sign�e � La Haye le 25 octobre 1980, ensemble la loi n� 82-486 du 10 juin 1982 qui en a autoris� la ratification et le d�cret n� 83-1021 du 29 novembre 1983 qui en a prescrit la publication ;

Vu la convention europ�enne de sauvegarde des droits de l'homme et des libert�s fondamentales ;

Vu la convention relative aux droits de l'enfant, sign�e � New York le 26 janvier 1990 ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu l'ordonnance n� 45-1708 du 31 juillet 1945, le d�cret n� 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n� 87-1127 du 31 d�cembre 1987 ;

Apr�s avoir entendu en audience publique :

- le rapport de M. Eoche-Duval, Auditeur,

- les observations de Me Copper-Royer, avocat de M. Jean-Luc GUICHARD,

- les conclusions de M. Bonichot, Commissaire du gouvernement ;

Consid�rant qu'aux termes de l'article 3 de la convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enl�vement international d'enfants, publi�e au Journal officiel de la R�publique fran�aise du 1er d�cembre 1983 et entr�e en vigueur, le m�me jour, � l'�gard de la France : "Le d�placement ou le non-retour d'un enfant est consid�r� comme illicite : a) Lorsqu'il a lieu en violation d'un droit de garde, attribu� � une personne, une institution ou tout autre organisme, seul ou conjointement, par le droit de l'Etat dans lequel l'enfant avait sa r�sidence habituelle imm�diatement avant son d�placement ou son non-retour ; et b) que ce droit �tait exerc� de fa�on effective seul ou conjointement, au moment du d�placement et du non-retour, ou l'e�t �t� si de tels �v�nements n'�taient survenus. Le droit de garde vis� en a) peut notamment r�sulter d'une attribution de plein droit, d'une d�cision judiciaire ou administrative, ou d'un accord en vigueur selon le droit de cet Etat" ; que l'article 5 de la m�me convention pr�cise qu'au sens de celle-ci, "a) le "droit de garde" comprend le droit portant sur les soins de la personne de l'enfant, et en particulier, celui de d�cider de son lieu de r�sidence ; b) le "droit de visite" comprend le droit d'emmener l'enfant pour une p�riode d�termin�e dans un lieu autre que celui de sa r�sidence habituelle" ; que, selon l'article 8 de la convention, "la personne, l'institution ou l'organisme qui pr�tend qu'un enfant a �t� d�plac� ou retenu en violation d'un droit de garde peut saisir, soit l'autorit� centrale de la r�sidence habituelle de l'enfant, soit celle de tout autre Etat contractant, pour que celles-ci pr�tent leur assistance en vue d'assurer le retour de l'enfant" ; que l'article 27 de la convention dispose, toutefois, que, "lorsqu'il est manifeste que les conditions requises par la convention ne sont pas remplies ou que la demande n'est pas fond�e, une autorit� centrale n'est pas tenue d'accepter une telle demande. En ce cas, elle informe imm�diatement de ses motifs le demandeur ou, le cas �ch�ant, l'autorit� centrale qui lui a transmis le demande" ;

Consid�rant qu'il ressort des pi�ces du dossier soumis aux juges du fond que, par lettres des 5 mars et 21 avril 1993, M. GUICHARD a demand� au garde des sceaux, ministre de la justice, d�sign� par la France comme �tant l'autorit� centrale charg�e de satisfaire aux obligations qui lui sont impos�es par la convention de La Haye, de lui pr�ter l'assistance pr�vue par l'article 8 de cette derni�re, en vue d'assurer le retour de son fils G., n� le 29 novembre 1990 � Ch�teauroux, que sa m�re, de nationalit� canadienne, aurait illicitement d�plac�, au sens de l'article 3 de la convention, en l'emmenant, le 13 mai 1992, au Canada, pour vivre avec elle � Montr�al ; que le garde des sceaux, ministre de la justice, a, par lettre du 7 juin 1993, refus� d'acc�der � la demande de M. GUICHARD au motif qu'au vu des �l�ments en sa possession, "la m�re seule disposait de l'autorit� parentale au moment du d�placement" et que celui-ci ne pouvait, d�s lors, �tre qualifi� d'"illicite", au sens de la convention de La Haye ;

Consid�rant qu'en �non�ant dans les motifs de l'arr�t contre lequel M. GUICHARD se pourvoit en cassation qu'il ne ressortait pas des pi�ces du dossier, � supposer m�me, ainsi qu'il �tait soutenu, que l'article 374 du code civil, dans sa r�daction issue de la loi n� 87-570 du 22 juillet 1987, alors applicable, soit contraire aux stipulations des articles 1er, 8 et 14 de la convention europ�enne de sauvegarde des droits de l'homme et des libert�s fondamentales et � celles de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990, que M. GUICHARD ait dispos�, � la date du 13 mai 1992, de l'autorit� parentale sur son fils G. et qu'ainsi, il ne justifiait pas, � cette date, d'un droit de garde sur cet enfant, de sorte qu'il �tait manifeste que les conditions requises par la convention de La Haye n'�taient pas, en l'esp�ce, remplies, sans pr�ciser sur quelles dispositions elle entendait se fonder, la cour administrative d'appel de Paris n'a pas mis le Conseil d'Etat � m�me d'exercer le contr�le qui lui appartient comme juge de cassation ; que M. GUICHARD est, par suite, fond� � demander l'annulation de la partie du dispositif de l'arr�t attaqu� de la cour administrative d'appel de Paris, qui, apr�s avoir annul� le jugement rendu en premi�re instance par le tribunal administratif de Paris, a rejet� les conclusions aux fins d'annulation de la d�cision du garde des sceaux, ministre de la justice du 7 juin 1993, dont il avait saisi ce tribunal ;

Consid�rant que, dans les circonstances de l'esp�ce, il y a lieu, par application de l'article 11, deuxi�me alin�a, de la loi du 31 d�cembre 1987, de r�gler l'affaire au fond ;

Consid�rant que la d�cision contest�e du garde des sceaux, ministre de la justice du 7 juin 1993 n'est pas, contrairement � ce qu'a jug� le tribunal administratif de Paris, au nombre des actes se rattachant aux relations internationales de la France, qui, en raison de leur nature, �chapperaient � tout contr�le juridictionnel ; que, contrairement � ce que soutient le garde des sceaux, ministre de la justice, cette d�cison n'est li�e � aucune proc�dure judiciaire relative � l'exercice de l'autorit� parentale sur le fils de M. GUICHARD ; que, par suite, il appartient au juge administratif de se prononcer sur les conclusions de M. GUICHARD qui tendent � son annulation ; qu'ainsi, c'est � tort que le tribunal administratif les a rejet�es comme port�es devant une juridiction incomp�tente pour en conna�tre ; que son jugement du 21 f�vrier 1996 doit, sur ce point, �tre annul� ;

Consid�rant qu'il y a lieu d'�voquer la demande pr�sent�e par M. GUICHARD devant le tribunal administratif de Paris et d'y statuer imm�diatement ;

Consid�rant que l'article 371-2 du code civil �nonce, en son second alin�a, que l'autorit� parentale comporte, � l'�gard de l'enfant, "droit et devoir de garde, de surveillance et d'�ducation" ; qu'aux termes du premier alin�a de l'article 374 du m�me code, dans sa r�daction issue de la loi d�j� mentionn�e du 22 juillet 1987, applicable � la date du 13 mai 1992 : "L'autorit� parentale est exerc�e sur l'enfant naturel par celui des p�re et m�re qui l'a volontairement reconnu, s'il n'a �t� reconnu par l'un d'eux. Si l'un et l'autre l'ont reconnu, l'autorit� parentale est exerc�e par la m�re" ; qu'aux termes des deuxi�me et troisi�me alin�as du m�me article, dans la m�me r�daction : "L'autorit� parentale peut �tre exerc�e en commun par les deux parents s'ils en font la d�claration conjointe devant le juge des tutelles. A la demande du p�re ou de la m�re ou du minist�re public, le juge aux affaires matrimoniales peut modifier les conditions d'exercice de l'autorit� parentale et d�cider qu'elle sera exerc�e, soit par l'un des deux parents, soit en commun par le p�re et la m�re ; il indique, dans ce cas, le parent chez lequel l'enfant a sa r�sidence habituelle" ; que ces dispositions qui, dans le cas o�, comme en l'esp�ce, l'enfant a �t� reconnu par ses deux parents, pr�voient que l'autorit� parentale est exerc�e par la m�re, mais donnent la possibilit� pour le p�re, sur d�cision du juge aux affaires matrimoniales, d'exercer lui-m�me, seul ou conjointement avec la m�re, cette autorit� et d'obtenir, le cas �ch�ant, que l'enfant ait chez lui sa r�sidence habituelle, ne sont pas incompatibles avec les stipulations combin�es des articles 8 et 14 de la convention europ�enne de sauvegarde des droits de l'homme et des libert�s fondamentales en vertu desquelles le droit au respect de la vie familiale doit �tre assur� sans distinction aucune, fond�e notamment sur le sexe ;

Consid�rant que les articles 2-1 et 2-2 de la convention internationale du 26 janvier 1990, relative aux droits de l'enfant, ne produisent pas d'effet direct � l'�gard des particuliers, et ne peuvent donc �tre utilement invoqu�es � l'appui de conclusions dirig�es contre un acte administratif, individuel ou r�glementaire ; que les dispositions, pr�cit�es, de l'article 374 du code civil qui d�terminent, dans le seul int�r�t de l'enfant, lequel de ses parents exercera � son �gard l'autorit� parentale, ne sont pas incompatibles avec les stipulations des articles 3-1 et 16 de la m�me convention, qui proclament l'int�r�t sup�rieur de l'enfant et son droit � la protection de la loi ;

Consid�rant qu'il ressort clairement des pi�ces du dossier que M. GUICHARD, qui n'all�gue pas qu'il aurait �t� fait application � son profit des dispositions pr�cit�es, des deuxi�me ou troisi�me alin�as de l'article 374 du code civil, n'avait pas l'exercice de l'autorit� parentale envers son fils G., lorsque celui-ci a �t� emmen� par sa m�re au Canada, le 13 mai 1992 ; qu'ainsi, il ne justifiait pas � cette date et au sens de l'article 5 de la convention de La Haye, d'un droit de garde sur cet enfant, et, en particulier, du droit de d�cider du lieu de sa r�sidence habituelle ; que, d�s lors, le garde des sceaux, ministre de la justice, n'a entach� sa d�cision du 7 juin 1993 d'aucune d'erreur de droit en estimant que le d�placement du jeune G. ne pouvait �tre qualifi� d'"illicite", au sens de la m�me convention ;

Consid�rant qu'il n'appartient pas au juge administratif de se prononcer, � l'occasion d'un recours relatif � une mesure prise par le garde des sceaux, ministre de la justice, en application de la convention de La Haye, sur une contestation ayant trait � l'existence d'un "droit de garde" au sens de cette convention ; qu'il n'est cependant tenu de surseoir � statuer sur le recours dont il est saisi jusqu'� ce que l'autorit� judiciaire ait tranch� une telle contestation, que si la solution de cette derni�re commande la d�cision � rendre sur ce recours et soul�ve une difficult� s�rieuse ; qu'il d�coule de ce qui a �t� dit ci-dessus que la question de savoir si M. GUICHARD exer�ait ou non l'autorit� parentale sur son fils G., � la date du 13 mai 1992, ne soul�ve pas de difficult� s�rieuse ; que, par suite, les conclusions de M. GUICHARD qui tendent � ce que le juge administratif sursoie � statuer sur sa demande doivent �tre rejet�es ;

DECIDE :

Article 1er : L'arr�t du 11 juillet 1997 de la cour administrative d'appel de Paris est annul�, en tant que celle-ci se prononce sur les conclusions de M. GUICHARD dirig�es contre la d�cision du garde sceaux, ministre de la justice, du 7 juin 1993.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 21 f�vrier 1996 est annul�, en tant qu'il rejette comme port�es devant une juridiction incomp�tente pour en conna�tre les conclusions mentionn�es � l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : La demande pr�sent�e par M. GUICHARD devant le tribunal administratif de Paris est rejet�e.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requ�te pr�sent�e M. GUICHARD devant le Conseil d'Etat est rejet�.

Article 5 : La pr�sente d�cision sera notifi�e � M. Jean-Luc GUICHARD et au garde des sceaux, ministre de la justice.


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